Cédric Delsaux | Dark Lens

Dark Vador immobile face à un chantier de Dubai. Des soldats de l’empire qui patrouillent sur le parking d’un centre commercial de Créteil. L’empereur et sa Garde rouge postés devant un bâtiment de Noisy-le-Grand. De son passé en agence de pub, Cédric Delsaux a gardé un sens affûté du décalage et de l’image qui fait mouche. Son travail sur Dark Lens, son deuxième livre, aujourd’hui exposé, consiste à planter des personnages de Star Wars au milieu de paysages existants d’une pâle banalité.

Avec de telles célébrités, les photos captivent par leur familiarité spontanée, tout en exhalant une certaine noirceur : à l’errance physique (tous les endroits sont des lieux en devenir, ruines ou chantiers la plupart du temps) s’ajoute un flottement temporel étrange. Passé ? Futur ? Dans son premier ouvrage, Cédric Delsaux avait choisi une phrase de l’écrivain Christian Bobin, qui résume parfaitement sa philosophie fataliste : “Le monde est perdu et la vie est intacte.”

En débarrassant le paysage de toute présence humaine, ses images inventent surtout un Star Wars fantasmé où le “côté obscur de la force” aurait gagné. Emotion générationnelle garantie. L’idée est venue à ce Francilien de 37 ans en passant devant une boutique de jouets. “L’évidence m’a sauté aux yeux : les figurines pouvaient accroître l’intensité dramatique de mes images.” Car ce n’est pas la passion pour la saga du Jedi qui a motivé le photographe : “Je ne fais pas un travail de fan : l’élément déclencheur est le lieu. Ces photos sont d’abord des clichés d’endroits qui m’ont fasciné.”

De fait, Cédric Delsaux ne cherche jamais le pastiche. Le cadrage est sobre, le décor, désincarné. La réalité brute et anonyme de l’endroit encadre un personnage à la notoriété internationale. Dans un paradoxe poétique et non dénué de bizarrerie, on ne sait plus vraiment du coup qui est réel : le vrai décor ou le personnage de fiction ?

“C’est ce décalage qui m’intéresse. Je suis sûr que si on faisait revenir un type du Moyen Age et qu’on lui montrait ces photos, il serait plus fasciné par l’architecture que par le personnage.” Pendant six ans, Cédric Delsaux va donc intégrer des gardes impériaux et des vaisseaux spatiaux dans ses images, ravi de la liberté que lui apporte le photomontage.

Mais quand on touche au film de George Lucas, on entre assez vite au sein d’une chapelle compliquée, où les fans sont pointilleux, le patrimoine, un business, et les avocats, redoutables. Forcément, Cédric Delsaux s’y confronte, se retrouvant régulièrement invité aux conventions de fans de Star Wars. Une expérience parfois un peu mystique, mais qu’il ne regrettera pas : c’est lors d’un grand raout en l’honneur de sa saga, que George Lucas en personne remarque les clichés du Français et adoube cette relecture arty.

Honneur suprême, le réalisateur signera même la préface de Dark Lens, lui offrant une visibilité mondiale. Le pouvoir de la Force, évidemment.

Source : Olivier Granoux /  Télérama Sortir n°3229

Photos : © Cédric Delsaux / éditions Xavier Barral

LIVRE / Dark Lens, de Cédric Delsaux, éditions Xavier Barral, 108 pages, 39€

EXPO / Galerie Photo Fnac du Forum des Halles, jusqu’au 25 février

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http://www.cedricdelsaux.com/

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