L’appartement de Madame de Florian

Photo © Corbis

Il y a deux ans du côté de Pigalle, un appartement parisien a été rouvert pour la première fois… après 70 ans. Capsule temporelle vers le passé, cet écrin hermétique appartenait à Madame de Florian qui l’avait quitté précipitamment pour aller se réfugier dans le sud alors que les troupes d’Adolf Hitler avançaient sur Paris. Et jamais elle ne revint.

Ce n’est qu’à sa mort à 91 ans en 2010 qu’il fut fait un état des lieux de ses possessions et que sa famille découvrit l’existence de cet appartement à deux pas de l’église de la Trinité à Paris. Sous une épaisse couche de poussière attendait patiemment un trésor. Œuvres d’art, jouets d’époque, témoignages intacts d’une vie figée en un instant dans l’éternité, mis sous cloche, en sommeil. 140 mètres carrés restés figés dans leur jus. Et le plus étonnant est que bien qu’elle ne soit jamais revenue dans cet appartement, on découvrit plus tard que chaque mois, Madame de Florian payait ses charges consciencieusement. Depuis 70 ans.

Mais l’une des découvertes majeures fut un tableau encore inconnu de Giovanni Boldini, peintre italien du XIXe, souvent comparé à Sargent pour la grande qualité de ses portraits. L’un des maîtres de la Belle Époque. En robe de mousseline rose pose une femme superbe, feignant la timidité tout en dénudant une épaule, doigts baladeurs et graciles, buste avancé dans une posture à mi-chemin entre l’offrande et le retrait. Un portrait de Marthe de Florian, de son vrai nom Mathilde Baugiron, quel joli nom, née en 1875 et grand-mère de la propriétaire décédée.

Marthe de Florian était actrice, courtisane, bref une « demi-mondaine » comme on les appelait et fut un temps muse de l’artiste puis de nombreux autres hommes de l’époque dont un ministre et futur « Tigre » : Georges Clemenceau. L’expert en charge pensa immédiatement à Boldoni mais ce tableau n’ayant jamais été exposé, il n’était répertorié nulle part dans le catalogue de l’artiste. En poursuivant son exploration dans l’appartement, il découvrit un mot d’amour manuscrit du peintre, le confortant dans l’idée qu’il tenait un tableau inédit de Boldoni. Ce n’est qu’après de longues recherches qu’il trouva une référence dans un livre publié en 1951 par la veuve de l’artiste, indiquant qu’il avait été peint en 1898 alors que Marthe de Florian avait 24 ans.

Bien avant sa petite-fille, Marthe de Florian habita cet appartement toute sa vie. On y retrouva toutes les correspondances enflammées de ses courtisans de l’époque gardées bien précieusement, entourées de rubans de couleurs différentes pour chacun. Le tableau de la belle endormie fut finalement vendu par la famille quelque temps plus tard. Mise à prix à 300 000 euros, il s’envola à 2,1 millions d’euros, nouveau record pour un Boldoni. Mais le plus fabuleux trésor, c’est cette bulle restée intacte, un retour vers le futur dans le passé comme il en existe peu. Et une bien jolie histoire…

(Source : PA Gillet / huffingtonpost.fr)

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