KABOOM de Gregg Araki

« Présenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette comédie adolescente et apocalyptique a remporté la première Queer Palm, ce qui est la moindre des choses pour un film dont les personnages passent autant de temps à trouver leur place sur la fameuse échelle de Kinsley qu’à échapper à une mystérieuse secte.

Le héros de Kaboom, Smith (Thomas Dekker) est amoureux du garçon qui partage sa chambre sur le campus d’une université américaine. Il faut dire que Thor jouit d’un physique en parfait accord avec son prénom wagnérien. Mais Smith finit par coucher avec London qui, comme on l’aura deviné, vient d’Angleterre (Juno Temple, fille du cinéaste Julian, finit ici de se faire un prénom après quelques apparitions remarquées – dans Reviens-moi ou Greenberg). Pendant ce temps, sa meilleure amie, Stella, tombe entre les rets de Lorelei (Wagner, toujours Wagner) qui l’ensorcelle, au sens strict du terme. Le rôle échoit à Roxane Mesquida, échappée des enfers de Catherine Breillat.

Cette confusion des genres et des sentiments est exprimée par une mise en scène très pop, qui utilise tous les trucs (grands angles, cadrages de guingois, effets optiques) accumulés depuis Quatre Garçons dans le vent. Elle passe surtout par des dialogues qu’on aimerait pouvoir citer tout au long. Il faudrait le faire en anglais et employer des termes qui n’ont généralement pas cours ici. Ces personnages sont un peu désorientés, au seuil de la vie adulte, ils n’en perdent pas pour autant leur sens de la répartie, accompagnant leurs tribulations d’un commentaire continu et tout à fait pertinent.

Si l’on s’en tient à ces éléments, Kaboom est une espèce de sitcom étudiante, une espèce de commémoration de l’adolescence, par un réalisateur désormais quinquagénaire, qui fit ses premières armes, il y a bientôt vingt ans, avec sa Teenage Apocalypse Trilogy. L’apocalypse est toujours là. Smith est persuadé d’avoir assisté à un meurtre rituel (encore que l’absorption de petits gâteaux au chanvre juste avant cette vision horrifique introduise un élément de doute), et se retrouve bientôt lancé,  à la manière des héros du Club des cinq, sur la trace d’un complot international qui met en jeu le destin de la planète.

Gregg Araki se réfère (en images et dans ses interviews) à David Lynch pour décrire cette conflagration entre la trivialité quotidienne et l’horreur surnaturelle. Contrairement à l’auteur de Twin Peaks, le metteur en scène californien ne prend pas tout à fait au sérieux sa secte d’assassins. Kaboom fait rire (plus que la plupart des pures comédies sorties ces derniers mois) mais n’inquiète jamais vraiment.

Lorsque le film arrive à sa conclusion (inspirée d’En quatrième vitesse, de Robert Aldrich), on comprend que cette apocalypse, ourdie par un grand maître qui représente tous les pères qui affligent tous les étudiants du monde occidental, n’est là que pour faire part du décès de la jeunesse de Gregg Araki. Rarement aura-t-on vu enterrement de vie de jeune homme plus gai et plus spirituel ». source : Le Monde


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