Aya Takano

Formée à l’art populaire du kawaii (mignon) en tant que dessinatrice pour la compagnie de jeux vidéos Nintendo, Aya Takano met en scène dans ses toiles de tout format des personnages androgynes aux grands yeux attendrissants et au corps longiligne dont les extrémités sont systématiquement rougies, en témoignage de leur extrême sensibilité. Au goût des japonais, son oeuvre est plastiquement irréprochable. Doublée d’une rapidité d’exécution exceptionnelle, sa maîtrise du dessin et de la couleur est telle que Takashi Murakami reconnaît en elle le génie de Hokusai, le peintre d’estampes du 18ème siècle.

Ce qui fait la qualité du travail d’Aya Takano c’est aussi la richesse et la singularité de son univers pictural. Entraînée par son imagination débordante, elle exprime ses pensées quotidiennes sous la forme de petits dessins préparatoires légendés par une réflexion personnelle rédigée avec une sobriété et une poésie proche du traditionnel haïku. Fidèles à la pratique nippone de la customisation, les compositions fourmillent de détails. Les tatouages des personnages, les motifs de chaque tissu, et la qualité des bijoux et des ornements sont autant de prétextes pour introduire (à l’instar de son acolyte Mr.) le dessin dans le dessin. Toutes ces images sont ensuite réunies pour composer les sujets complexes de ses grandes toiles peintes à l’acrylique détrempée.

Mais l’impression de douceur rendue par la légèreté de sa technique jure avec le caractère subversif de son œuvre. Le vernis du kawaii couvre souvent chez les artistes du groupe Kaikai Kiki la représentation de sujets controversés. L’artiste aborde des sujets régressifs avec une fantaisie telle, que la perversité s’efface devant l’incongruité de ses mises en scène. Car Aya Takano vit dans un monde où les poulpes géants volent au milieu des buildings et certains personnages sont marqués de deux pois bleus sur les fesses alors que d’autres abritent des oiseaux sur leur tête comme on porte un chapeau. Autant de symboles récurrents dont le sens nous échappe. Et c’est enfin ce qui fait le charme de son vocabulaire plastique original dans le circuit fermé de l’art contemporain : l’exotisme grisant d’une langue étrangère. (source)

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