Interview | Mark Ryden

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Fanny Giniès : Deux livres consacrés à votre travail ont récemment été publiés : Pinxit et le catalogue de l’exposition The Gay 90’s. Parlons de Pinxit pour commencer : Lorsque vous parcourez cet ouvrage qui retrace vingt années de carrière, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Mark Ryden : Pinxit offre une vue complète de quasiment toutes les œuvres que j’ai créées et il m’est difficile de sélectionner un tableau plutôt qu’un autre. Certaines peintures se démarquent en ce qu’elles constituent une sorte d’accomplissement. Snow White est la première œuvre personnelle de grande taille que j’ai réalisée, après plusieurs années d’illustration commerciale. Elle restera toujours chère à mes yeux. The Meat Magi  est le premier tableau à inclure deux des thèmes récurrents de mon travail que sont la Viande et Abraham Lincoln. The Creatrix est un défi personnel en terme de détails apposés sur une grande échelle.

Êtes-vous conscient de l’immense impact de votre art sur les plus jeunes générations d’artistes, votre nom étant cité comme une référence par tant d’entre eux ?

L’inspiration est la denrée la plus précieuse qui puisse être pour un artiste. L’inspiration est la toute première étape dans la création d’une œuvre d’art. Un artiste peut disposer d’une grande habileté et de talent, sans l’inspiration l’œuvre d’art ne franchira jamais cette première étape qui mène à sa réalisation. Ceci étant, être cité comme une source d’inspiration par un autre artiste est le plus beau des compliments que l’on puisse me faire.

mark-ryden-riding-with-the-lordCertains de vos confrères comme Eric White ou les Clayton Brothers enseignent en école d’art. Pensez-vous avoir un jour envie de transmettre vous aussi vos connaissances et votre savoir-faire ?

Je pense qu’enseigner est une chose très importante, c’est même quasiment une obligation pour un artiste d’enseigner à un moment ou à un autre de sa carrière. Malheureusement je ne pense pas pouvoir libérer assez de mon temps aujourd’hui pour me tourner vers cela. Mon activité est particulièrement chronophage et mon objectif actuellement est de peindre. Néanmoins, je pourrais décider plus tard de diriger mon attention vers l’enseignement. J’ai l’impression d’avoir beaucoup à offrir donc j’espère pouvoir m’y consacrer un jour.

Parlez-nous des œuvres les plus récentes qui sont reproduites dans le catalogue de The Gay 90’s. En quoi sont-elles différentes du premier corpus d’œuvres sur ce thème ?

À l’issue de ma première exposition sur les Gay Nineties à la Galerie Paul Kasmin à New York, j’ai eu l’impression de ne pas avoir exploré toutes les pistes que je voulais au sein de ce thème. Au delà de chaque peinture qui voit le jour, il y a beaucoup d’idées qui sont laissées de côté. Je dois accepter le fait que je ne pourrais jamais peindre toutes les œuvres que je souhaiterais, mais il y avait là vraiment trop d’images sur le thème des Gay Nineties que je voulais transposer en peinture, donc j’ai poursuivi.

Conséquemment vous présentez à la Galerie Michael Kohn, à Los Angeles, le second et dernier volet d’œuvres sur le thème des Gay 90’s. Qu’est-ce qui vous plait autant dans cette période historique que sont les années 1890 ?

La thématique des années 1890 repousse mes propres limites du kitsch. Elle est tellement saturée de bons sentiments que cela en devient tout à fait répugnant. Je suis fasciné par les images nostalgiques de cette période, qui font appel aux domaines de l’imagination, du souvenir et de la mort.

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Mark Ryden, The Parlor, Oil on canvas, 248.9 × 304.8 cm, 2012

La pièce la plus importante de la future exposition, en terme de dimensions, est un tableau intitulé The Parlor. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

The Parlor est le tableau le plus grand et le plus détaillé que j’ai jamais peint. Beaucoup de choses s’y passent. Le sous-titre du tableau décrit aussi son sujet, il s’agit d’une « Allégorie de la Magie, de la Quintessence et du Mystère Divin ». Un dessin détaillé de l’œuvre est reproduit dans le catalogue The Gay 90’s, ce qui aidera sans doute à en comprendre le contenu. J’espère pouvoir réaliser une courte vidéo à propos de ce tableau également.

Nombre de vos œuvres font se confronter joliesse et cruauté, innocence et sexualité. Cette ambiguïté fait-elle partie d’une volonté consciente de provoquer ?

Je ne désire choquer personne à travers mes œuvres. J’espère plutôt intriguer ou simplement intéresser le spectateur. Le monde moderne nous bombarde tellement d’images que la juxtaposition de certains éléments opposés permet selon moi de renouveler notre manière de voir les choses, en apportant un éclairage différent. Ce procédé peut paraitre « choquant » auprès de certaines personnes, mais cela n’est pas mon but.

Quels sont les artistes contemporains dont vous appréciez le travail (à part votre femme Marion Peck !) ?

Les noms de Neo Rauch, John Currin, Loretta Lux et Darren Waterson me viennent à l’esprit.

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Mark Ryden, Medium Yams, Oil on canvas, 2012

Vous citez fréquemment les peintres néoclassiques français Jean-Auguste Dominique Ingres et William Bouguereau comme faisant partie de vos artistes favoris. En quoi leur peinture influence t-elle la vôtre ?

Je me réfère régulièrement à leurs œuvres quand je travaille. Cela n’est pas tant le sujet de leurs tableaux que je regarde que les qualités formelles de leurs compositions, les couleurs et surtout leur technique picturale.

MarkRyden-QueenBeeVous avez récemment offert un tableau intitulé Queen Bee à la Fondation Leonardo DiCaprio pour la préservation de l’environnement et la sauvegarde des espèces animales menacées d’extinction. Cette cause est-elle celle qui vous touche le plus ?

Leonardo DiCaprio a organisé la vente aux enchères caritative The 11th Hour Auction pour sensibiliser le public à la cause environnementale. De manière surprenante, seuls 2% des dons actuels vont à la protection de l’environnement. La vente a rencontré un très grand succès et je suis fier d’en avoir fait partie. La préservation de la nature est effectivement une cause qui est chère à mon cœur. Il semble vital que nous, humains, apprenions à vivre en harmonie avec la nature et que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver les dernières forêts et les espèces en danger. Je commercialise aussi des tirages en édition limitée afin de récolter des fonds en faveur des organisations écologistes Sierra Club et The Nature Conservancy.

Il y a quelques années, vous avez réalisé avec Marion Peck un court métrage intitulé Sweet Wishes. Aimeriez-vous voir un jour votre travail adapté sous la forme d’un film d’animation ?

Imaginer l’ajout de mouvement, de son, de musique et d’une histoire à des œuvres peintes est très attirant ! Mon problème est d’accepter de lâcher prise et de laisser faire ce travail à d’autres personnes. C’est une entreprise qui prend tellement de temps que cela ne peut pas se faire actuellement. Mais un jour peut-être…

Lorsque l’on atteint un si grand niveau de célébrité, comme c’est votre cas, pensez-vous qu’il soit important de continuer à se poser des défis personnels ? Quels sont vos objectifs actuellement ?

Je me défie de manière naturelle et m’oblige à repousser mes limites à chaque nouvelle œuvre. Je travaille très, très dur. Peut-être trop dur d’ailleurs. L’objectif devrait être de me relaxer un peu !

MarkRyden-PaterRéfléchissez-vous à la pérennité de votre oeuvre ? À la trace que vous souhaiteriez laisser dans l’Histoire de l’Art ?

Je ne crois pas que cela soit une bonne idée de laisser ses pensées divaguer vers d’aussi ambitieux horizons. De toute évidence, chaque artiste aimerait voir son travail entrer au Panthéon de l’Histoire, mais y réfléchir consciemment risque fort d’étouffer sa créativité.

En feuilletant d’anciens numeros du magazine Juxtapoz, je suis tombée sur une question dont vous regrettiez qu’on ne vous l’ait jamais posée. C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui : Pouvez-vous nous raconter l’histoire du premier tableau que vous avez vendu et de la manière dont cela a changé votre vie ?

Je souhaite sincèrement pouvoir enfin raconter cette histoire un jour.

Propos recueillis en mai 2013.

Mark Ryden Interview - EN version

Fanny Giniès : You’ve recently had two books released, Pinxit and The Gay 90’s exhibition catalog. Let’s talk about Pinxit first : When looking at this book that recounts 20 years of your work, what makes you prouder ?

Mark Ryden : Pinxit is a comprehensive collection of almost every work I have done and it is difficult to select any particular painting above another. Some paintings stand out for being an important accomplishment of one kind or another. “Snow White” was the first major large scale “personal” painting I did after many years of doing commercial art. It will always be special to me. “The Meat Magi” was the first painting to include Meat or Abraham Lincoln, both reoccurring themes in my work. “The Creatrix” was a monumental challenge of detail on a grand scale.

Are you aware of the immense impact your art has had on the newest generation of artists, your name being quoted as n° 1 inspiration by so many of them ?

Inspiration is one of the most valuable commodities for an artist. Inspiration is the very first step in the birth of a piece of art. An artist may have many other resources at their disposal such as their skill and talent, but without inspiration, a work of art will never take that first step to come into existence. This being said, being told I am a source of inspiration by another artist is one of the greatest of compliments.

Some of your peers like Eric White or the Clayton Brothers teach in art schools. Could you be interested in passing down your skills or knowledge ?

I think teaching is a very important thing for an artist to do. I think of it as almost an obligation for an artist to do at some point in their life. Unfortunately I can’t begin to imagine fitting any kind of teaching regiment into my life right now. My art is so time consuming to create and my focus at this point is to make art. At some point I may turn my attention to the possibility of teaching. I do feel like I have much I could offer and I hope to at some point.

Tell us about the new works that are presented in the Gay 90s catalog. How different are they from the older Gay 90s works ? 

After I had my first Gay 90’s show at Paul Kasmin in New York, I didn’t feel like I had explored all the images I wanted to create with in this theme. For every one painting I make there are many, many ideas that don’t get that far. I have to accept that I will never be able to paint all the paintings I would like to, but there were just too many images in this theme that I wanted to bring to a finished painting, so I kept going.

Also, a Gay 90s exhibition is due to happen this fall at the Michael Kohn Gallery in Los Angeles. It is quite unusual to come up with two shows on the same subject. What is it about the 1890s era that you like so much ?

The thematic genre the 1890’s era pushes my own boundaries of “kitsch”. It is so saturated with sentimentality it can become utterly repulsive. Yet I am fascinated by the images of vintage nostalgia that contain the realms of imagination, memory, and death.

The most important piece (in terms of scale) of this new body of work is your painting entitled “The Parlor”. Can you tell us more about this artwork, describe it maybe ?

This is the largest and most detailed painting I have created to date. There is much going on. The painting’s subtitle is “Allegory of Magic, Quintessence and Divine Mystery” and that is what the painting is about. I have reproduced a large drawing in the new book that may help with some of the content of the painting. I actually hope to create a short video about this painting as well.

A lot of your paintings depict cuteness and roughness or innocence and sexuality, often in the same image. Is this ambiguity part of an acknowledged will to shock ?

It is not my desire to shock anyone with my art. I wish to perhaps intrigue or simply interest the viewer. We are bombarded with so much imagery in our modern world that I think juxtaposing certain things against contrasting subject can allow things to be seen in a new way or a new light. This might seem “shocking” to some people, but that is not my goal.

Apart from your wife Marion, which contemporary artists do you enjoy looking at ?

Neo Rauch, John Currin, Loretta Lux, and Darren Waterston, come to mind right now.

I believe Jean-Auguste Dominique Ingres and William Bouguereau are among your favorite French artists. How influencial are French art and these artists on your own art ?

I look at them quite a bit while I am working. It is not their subject matter I am looking at in particular, it is more the formal qualities of composition, color, and mostly their painting technique.

You’ve recently donated a painting called “Queen Bee” to benefit environmental and wildlife conservation efforts. Is preserving Nature the cause that touches you the most ?

Leonardo Dicaprio organized that auction to raise awareness for environmental causes. Surprisingly only 2% of philanthropy currently goes to environmental causes. The auction was a great success and I was proud to be part of it. Preserving nature is indeed a cause that is dear to my heart. I feel it is vital that we humans learn to live in harmony with the natural world, and do everything we can still do to save the last of our forests and endangered species. I have also created limited edition prints to raise money for The Sierra Club and The Nature Conservancy.

A few years ago, you collaborated with Marion Peck on the short animated film “Sweet Wishes”. Would you be interested in seeing your work animated someday ?

To imagine adding motion, sound, music, and story to one’s art is very enticing! My problem is letting go and letting other people do the work. It is such a time consuming endeavor that I don’t feel I can fit any projects of this sort into my life right now. Perhaps someday.

Having achieved this level of success, do you find it important to keep challenging yourself ? What are your goals now ?

I naturally challenge and push myself with each and every work. I work very, very hard. Perhaps I push too much. It might be better advice for me to relax a little!

Is the perennial aspect of your work something that you care about ? What do you want to leave behind in terms of Art History ?

I don’t think it is a good idea to let your thoughts go to such lofty areas. Obviously most any artist would want their art to be important in the greater scheme of history, but to think about this consciously can really stifle your creativity.

Stumbling upon old issues of Juxtapoz Magazine, I came across a question you said you had never been asked. So I am asking you today : Can you tell us the story of the first painting you ever sold and how it changed your life ?

I really wish I could finally tell this story.

This interview was made in May 2013.

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Mark Ryden – The Gay 90’s West
du 3 mai au 28 juin 2014
May 3rd through June 28th, 2014
Kohn Gallery
1227 N. Highland Avenue
Los Angeles, CA 90038 – USA

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http://markryden.com/

http://www.kohngallery.com/

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